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"ELLE EST VRAIE TON HISTOIRE ?" :

"Chaque fois qu'un enfant dit : "Je ne crois pas aux fées", il y a quelque part une petite fée qui meurt." (James Barrie - Extrait de Peter Pan )

Imaginaire ou Réalité ??
"C'est vrai ton histoire ??" La question nous est parfois posée.
On pourrait se dire : Doit on dire à l'enfant qui nous le demande, que cette histoire ou ce personnage n'a jamais existé, sous peine de briser son rêve ?
Si vous pensez briser son rêve, c'est que vous l'avez maintenu dans l'illusion, c'est que vous avez peut-être induit une ambiguïté entre le réel et l'imaginaire.
Si la situation avait été claire, la question ne se serait peut-être pas posée. Si elle se pose tout de même, clarifiez la situation.
Il n'y a peut être que quand "C'est pas pour de vrai" que l'enfant, sécurisé, peut s'abandonner à l'imaginaire. Il peut alors cheminer en toute "inconscience".
Les psychanalystes qui se sont penchés sur la question semblent s'accorder à dire qu'il est tout à fait important que l'enfant puisse repérer de manière très claire où se trouve l'imaginaire et où se trouve la réalité.
Pour celà, balisez votre conte avec des formules qui précisent que cette histoire s'est passée il y a très longtemps et dans un un pays si lointain qu'il n'est pas accessible.
Le "Il était une fois" permet à l'enfant qui écoute avec un peu d'habitude, de marquer l'histoire du label "Conte de fées" ou "conte merveilleux". Il saura alors que ce qui va s'y passer est "pour de faux", "pour de semblant". Il n'est pas en danger réel.
Utilisez avec beaucoup de prudence les histoires où vous racontez au "je", où celle où vous intervenez

D'un autre côté, n'a t-on pas la fâcheuse tendance à vouloir toujours plus "savoir" que "croire", et ceci dans le seul souci de tout connaître, de tout maîtriser ?
Ne devrait-on pas apprendre à l'enfant à cheminer parfois dans l'ombre pour qu'il y trouve lui même, son propre chemin...avec sa propre lumière ?
"Pourquoi ne pas essayer de supporter la nuit et d'apprendre à y séjourner sans la remplacer toujours par le jour" (Michel Hindenoch)

Ce ne sont pas des mensonges...mais des histoires
Il y a une formulette qui dit "Je ne suis pas menteur, je suis conteur !"
Ce n'est pas un mensonge, c'est un conte et ce conte est vrai dans un autre monde, celui de l'imagination des hommes.
En tous cas, il est nécessaire que le conteur puisse croire en l'histoire qu'il raconte.
Bruno Bettelheim nous dit à ce sujet : "...L'adulte qui pense que toutes ces histoires ne sont qu'un tissu de mensonges feraient mieux de s'abstenir de les raconter. Ils seraient incapables de les dire d'une façon qui pourrait enrichir la vie de leurs enfants." (Psychanalyse des contes de fées - p 157)

Les réponses claires parce qu'explicatives :
- "Il existe la réalité et l'imaginaire. Le réel et le monde des histoires. Les deux doivent exister. Le monde des histoires existe lui, si on veut bien y croire... En tous cas moi,...j'y crois."
- "Les contes sont des histoires qui font partie de l'Imaginaire, elles n'existent que dans la tête des gens."
- "Cette histoire ne se passe pas de nos jours, dans le monde où nous vivons, mais dans un pays inaccessible."
Gardons nous d'être trop explicatifs sauf si face à nous on ressent chez l'enfant qui pose la question une angoisse ou un besoin puissant d'être rassuré.
Là encore, écoutons celui qui pose la question. S'il la pose avec malice ou avec inquiétude, la réponse ne devra pas être la même.

Les réponses "Formulettes"et"Pirouettes" :
Sur ce registre les formulettes de mensonge et de vérité "pirouettent" volontiers
Elles ont l'avantage de rester dans la parole contée. Elles ont l'inconvénient de diluer parfois volontairement la réponse, laissant l'enfant avec sa question.
D'autres sont des formules très claires. En voici quelques exemples :
- Si tu me crois il fera beau, si tu ne me crois pas, il pleuvra.
- Mieux vaut croire que d'aller voir.
- Je ne suis pas menteur, je suis conteur.
- Cette histoire est véridique, j'y étais et j'ai tout vu, comme disait mon grand père aveugle. (Afanassiev)
- La vérité et le mensonge habitent dans la même maison ... et empruntent la même porte. Méfiez-vous des histoires... Méfiez-vous du conteur !!
- Mon conte n'est ni vérité, ni mensonge... c'est à vous d'y voir clair...
- Tout ce que je vous ai raconté, ce n'est que la vérité, à part peut-être une ou deux petites choses qui ne seraient pas vraies.
- Excusez-moi, il faut que je parte. Car une puce vient de donner naissance à un éléphant dans une banlieue de Bamako et je veux aller voir (Mali)
- Voilà ce que j'ai voulu dire. Légendes? Ce ne sont pas les mensonges, ce sont des paroles des gens d'autrefois (Madagascar)
- et bien d'autres que vous trouverez sur le site ci-dessus...



Points de vue de Conteurs... et autres avis éclairants :


Pour apporter votre témoignage

Hélène Loup : dans son ouvrage "Conter pour les petits" - Edisud -
"Enfin, à la question habituelle :"c'est vrai ?", il est important de répondre que c'est une histoire et qu'une histoire, c'est un jeu, seulement un jeu. Que les vrais loups ne sont pas comme dans les histoires."

Jean Claude Renoux : dans son ouvrage "Paroles de conteur" - Edisud -
"(...)Je me suis bien promis, à chaque fois qu'un enfant me demande "c'est vrai ?", de m'arrêter et de répondre: "Tout ça c'est des bêtises, des sornettes comme on disait dans le temps : J'ai dit "Il était une fois"..."

J.R.R. Tolkien :
"Le plus souvent, ce que veut dire l'enfant quand il demande : Est-ce que c'est vrai ? c'est "J'aime bien cette histoire, mais est-ce qu'elle se passe aujourd'hui ? Est-ce que je suis en sécurité dans mon lit ?
La seule réponse qu'il souhaite entendre est la suivante : "Il n'y a certainement plus de dragons en Angleterre aujourd'hui !"
Les contes de fées se rapportent essentiellement non pas à une possibilité mais à une désirabilité. Voilà quelque chose que l'enfant comprend très bien : pour lui, rien n'est plus vrai que ce qu'il désire.

Bruno Bettelheim : Psychanalyse des contes de fées
"Certains parents ont peur de "mentir" à leurs enfants en leur racontant des événements fantastiques contenus dans les contes de fées. Ils sont renforcés dans cette idée par cette uestion que leur pose l'enfant : "Est-ce que c'est vrai?"
De nombreux contes de fées, dès leurs premiers mots, répondent à cette question avant même qu'elle puisse être formulée : ..."A une époque qui remonte très très loin dans la nuit des temps" ou encore "Dans l'ancien temps, quand les désirs s'exauçaient encore..."
Des débuts de ce genre marquent clairement que l'histoire se situe à un niveau très différent de la "réalité" d'aujourd'hui. "

Michel Hindenoh "Conter, un art ?" Edition la Loupiote - réédité en 2007 par le Jardin des mots
"Pourquoi ne pas essayer de supporter la nuit et d'apprendre à y séjourner sans la remplacer toujours par le jour"

Michel Butor La balance des fées, répertoire I, Ed Minuit 1968
"L'enfant doit savoir qu'il est dans le domaine de la fiction. (...)
Ce qu'il y a surtout d'abord, c'est le plaisir de savoir que tout cela n'est pas vrai, le plaisir de ne pas être dupe de la fiction, le plaisir de se sentir profondément d'accord avec l'adulte sur ce qui est réel et ce qui ne l'est pas.
Le conte libère de l'immédiat par la possibilité qu'il apporte de s'en éloigner en toute certitude.
C'est grâce à lui que la réalité se présente comme une chose sûre et solide, que l'on distingue bien, que l'on maîtrise et que l'on comprend. (p209)


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